L’année 2024 a donné lieu, dans toute la France, à plusieurs manifestations de tous ordres, en hommage à Armand Gatti. Il y eut notamment à Tarnac (Corrèze), au cœur du plateau de Millevaches où, très jeune, il prit le maquis dans la forêt de la Berbeyrolle, l’exposition « La résistance dans l’œuvre d’Armand Gatti ». Magistralement orchestrée par son fils, Stéphane Gatti, la voici derechef à Eymoutiers (Haute-Vienne), toujours sous la forme d’une randonnée autour de son écriture, qui fut multiple et unique.
C’est à l’âge de 18 ans que Dante Sauveur Gatti, dit Armand, fils d’immigrés piémontais, rejoint le maquis de Tarnac. Arrêté, interné à Bordeaux, déporté à Hambourg comme travailleur forcé, il s’évade au bout de six mois et réintègre les maquis du Limousin. Après la guerre, jeune journaliste au Parisien libéré, il rend compte des procès d’Oradour-sur-Glane, du camp du Struthof, de la Gestapo de Bordeaux, et consacre une série d’articles aux camps en Europe, « Malheur aux sans-patrie ».
Un théâtre hors du commun, puissamment baroque
À partir de 1959, il se consacre à la création d’un théâtre hors du commun, puissamment baroque, dans lequel se confondent le temps et l’espace, où résonnent des échos de la Kabbale et d’audacieux concepts scientifiques. Sous le signe de « la parole errante », d’innombrables figures révolutionnaires blessées hantent son œuvre ; les citer toutes est impossible sur si peu d’espace. Cela va des anarchistes Sacco et Vanzetti au communard Eugène Varlin, de la socialiste Rosa Luxemburg aux Ftp-Moi Missak Manouchian et Roger Rouxel, fusillés au mont Valérien, de l’Irlandais Bobby Sands au résistant communiste Georges Guingouin et au leader anarcho-syndicaliste Buenaventura Durruti.
L’itinéraire littéralement hors pair de Gatti, poète avant tout, mais aussi scénariste, cinéaste, agitateur libertaire au lyrisme incandescent, est retracé à la lettre par son fils, dans un élan de gratitude infinie.
- Jusqu’au 28 juin, à la bibliothèque d’Eymoutiers (Haute-Vienne).
- Post scriptum : Pour rédiger cet article, j’avais fait appel à Stéphane Gatti. Je l’avais eu au téléphone le jeudi 22 mai. Il m’avait dit alors se trouver dans la forêt de la Berbeyrolle. Le lendemain, vendredi 23 mai, il prononçait, à la bibliothèque d’Eymoutiers, une conférence sur l’importance de la résistance dans la vie et l’œuvre de son père. Le samedi, on apprenait, avec stupeur, qu’il s’était éteint dans la nuit. Il souffrait du cœur. Stéphane Gatti avait 75 ans. Fils de Danièle et Armand Gatti, il ne cessa jamais d’illustrer la mémoire de son père, tout en poursuivant une œuvre de scénographe et de cinéaste aux côtés des vaincus de la grande histoire. Il animait des ateliers de sérigraphie en prison, dans lycées et collèges. Il organisait des expositions, notamment sur le travail du psychiatre désaliéniste Lucien Bonnafé, sur l’écrivain Kateb Yacine, sur Mai 68… Les obsèques de Stéphane Gatti ont eu lieu le 31 mai au Père-Lachaise.