Vu d’Europe – Protéger les lanceuses et lanceurs d’alerte

Eurocadres exhorte l’Union européenne à sanctionner Israël en réponse aux crimes commis en Palestine, et suit de près la mise en application de la directive sur la protection des salarié·es qui signalent des activités illicites de leur entreprise.

Publié le : 30 · 09 · 2025

Temps de lecture : 5 min

Image abstraite réalisée par Antoine Thibaudeau, mélangeant peinture acrylique, étoiles scintillantes et reflets aquatiques.

Le chaos continue à Bruxelles, comme en témoignent les résultats de l’enquête Eurobaromètre du Parlement européen qui mettent en évidence le profond décalage entre les priorités de la deuxième Commission d’Ursula von der Leyen et les besoins des travailleuses et travailleurs.

Pour les répondants, plusieurs sujets devraient être priorisés par le Parlement européen, à commencer par « l’inflation, la hausse des prix et le coût de la vie », problème érigé en priorité absolue dans 41 % des réponses. Elles sont aussi 31 % à mettre en avant la nécessité de la « lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale »

Ursula von der Leyen focalisée sur la « compétitivité »

Malgré cela, la deuxième Commission d’Ursula von der Leyen a cherché à déréglementer le marché européen sous couvert de « simplification » et de « compétitivité », suivant les souhaits des grandes multinationales. Aucune législation sociale n’a été proposée dans le plan de travail. Il faut aussi noter une hostilité croissante envers l’introduction de mesures qui fourniraient aux cadres des protections juridiquement contraignantes, tout en obligeant les entreprises à se conformer à des normes élevées.

La « paix » reste la première valeur que le Parlement européen devrait défendre (dans 46 % des réponses). Or cette valeur n’est guère défendue lorsqu’on constate l’inaction de l’UE face aux atrocités commises en Palestine. Néanmoins, des évolutions ont pu être observés sur ce point comme sur certaines questions sociales. Mais lors du débat annuel sur l’état de l’Union européenne, le 10 septembre 2025, la présidente de la Commission, sous la pression constante des député·es d’extrême droite, n’a mentionné les « travailleurs » qu’une seule fois, alors que la « compétitivité » l’a été à cinq reprises. Avec le Quality Jobs Act, la promesse d’« une série de mesures sur l’accessibilité financière et le coût de la vie » ont été annoncés , mais sans aucun détail sur leur contenu.

Tardives annonces sur Gaza

En matière de politique étrangère, des efforts visant à sortir de l’impasse l’action européenne sur Gaza ont finalement été annoncés. La Commission s’est ainsi engagée à :

  1. mettre en suspens le soutien bilatéral à Israël, y compris l’arrêt des paiements (cela ne s’applique pas à la société civile ni au mémorial de la Shoah Yad Vashem) ;
  2. proposer des sanctions contre les ministres extrémistes et les colons violents ;
  3. proposer une suspension partielle de l’accord d’association sur les questions liées au commerce ;
  4. créer, en octobre, un groupe de donatrices et donateurs pour la Palestine, avec un instrument dédié à la reconstruction de Gaza.

Il est certes louable que la Commission ait commencé à agir. Mais en aucun cas il ne s’agit d’une action proportionnée ou suffisante. 

120 000 personnes dans la rue à Bruxelles pour la Palestine

Un large soutien public, dont celui de plus de 120 000 personnes descendues dans la rue à Bruxelles ce mois-ci, a poussé le collège à agir. Ses précédentes déclarations, notamment celle de la haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Kaja Kallas, évoquant de récentes « évolutions positives », ont révélé un collège déconnecté des citoyennes et citoyens, des humanitaires et des spécialistes des génocides.

Plus de sept cents jours après le début des attaques, et alors que les Palestiniennes et Palestiniens tués sont des civils à 83 %, on ne peut accepter que de nouveaux désaccords institutionnels mettent l’action en suspens. Faisant écho à nos appels précédents , l’UE doit agir en médiateur dans le conflit et faire respecter les droits humains et le droit international, si elle souhaite regagner sa crédibilité. Nous devons obtenir un cessez-le-feu, soutenir l’action de l’UNRWA et poursuivre nos efforts en faveur de la paix et de la stabilité régionales. L’UE n’a en aucune façon utilisé tout le poids politique dont elle dispose, malgré les affirmations de Kaja Kallas.

Nous avons besoin d’une suspension totale de l’accord d’association UE-Israël, de sanctions non seulement contre les ministres mais contre toutes celles et ceux qui commettent un génocide, et d’un changement radical d’attitude de la part des dirigeantes et dirigeants européens envers l’un des épisodes les plus méprisables de l’histoire de l’humanité. Même si nous saluons certains mouvements, ces mesures doivent être mises en œuvre rapidement pour avoir un réel impact.

Lanceurs d’alerte : du retard à l’allumage

Enfin, la protection des lanceuses et lanceurs d’alerte est revenue au centre de l’attention, avec l’organisation conjointe d’un webinaire sur l’état d’avancement de la directive et de sa révision, réunissant des représentantes et représentants syndicaux de niveau européen et mondial, ainsi que la Maison des lanceurs d’alerte (MLA) en France. Les intervenantes et intervenants ont apporté des éclairages pratiques sur l’élaboration des politiques après l’introduction de la directive.

Après des retards observés dans plusieurs pays européens, la directive a encadré la mise en place de canaux de signalement et une protection minimale pour les lanceuses et lanceurs d’alerte au sein de l’UE. Les avis d’expert·es ont néanmoins mis en évidence de nombreux points à améliorer. Les limites imposées par le champ d’application de la directive créent des obstacles juridiques au signalement de toute activité illicite, tandis que les modalités pratiques des canaux de signalement sont souvent mal définies. Conjuguée à la lente évolution de la culture du lancement d’alerte, cette situation limite la confiance dans les systèmes actuellement en place.

Tout au long des discussions, il est apparu clairement qu’une protection plus étendue au-delà de la directive est absolument nécessaire, soulignant encore davantage la nécessité d’une forte implication des syndicats lors de la définition des canaux de signalement et du traitement des alertes.

Rendez-vous le mois prochain pour le compte-rendu du congrès d’Eurocadres, qui se tient à Paris du 15 au 17 octobre 2025.

Nayla Glaise, présidente d’Eurocadres

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