REF 2025 : la surenchère du Medef, sourd aux colères sociales

Moins d'impôts, moins de fonctionnaires, moins de collectivités… Ce ne sont pas 44 mais 230 milliards d’euros d’économies que l'organisation patronale propose de faire. Les aides aux entreprises ? Intouchables…

Publié le : 12 · 09 · 2025

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Patrick Martin a martelé son opposition à une "fiscalité punitive"..

PhotoPQR/Le Télégramme/MAXPPP

Le Medef a choisi le mythique stade de Roland-Garros pour sa rentrée, les 27 et 28 août 2025. Les abords du court Philippe-Chatrier ont pris l’allure d’une foire, où les stands de journaux côtoient ceux des mutuelles, des start-ups ou encore de la gendarmerie. Dans les travées, le public patronal discute des enjeux économiques et des craintes liées à la rentrée politique, alors que celui qui est encore Premier ministre, François Bayrou, s’est exposé à un vote de confiance qui s’avèrera fatal.

Entre deux selfies, les conversations tournent autour des opportunités et des risques qui pèsent sur la France, avec un vœu qui revient en boucle sur toutes les lèvres : la stabilité. Les milieux d’affaires craignent une dissolution de l’Assemblée nationale qui retarderait l’adoption du budget de l’État et créerait un climat d’incertitude menaçant, selon eux, l’activité.

« Moins d’impôts, plus de cappuccino »

Dans ce village protéiforme, une grande multinationale distribue ses sodas non loin du stand des « Entrepreneurs et dirigeants chrétiens ». Un mug « Moins d’impôts, plus de cappuccino » est, façon téléachat, mis en valeur par une animatrice durant des « coupures pub » entre les retransmissions des ateliers et débats. Sur les tables du centre média, La Tribune dimanche du 24 août occupe une place de choix et s’ouvre sur une photo du Premier ministre « dos au mur ». Son projet de budget est, dans un entretien, qualifié de « courageux » par le président de France industrie, Alexandre Saubot.

Le ton est donné. La taxe Zucman, qui propose de taxer à 2 % les patrimoines dépassant 100 millions d’euros ? Un coup de griffe : « La taxation du capital éloigne l’entreprise du territoire qui la met en place. » La baisse du Crédit impôt recherche (Cir) ? « Il a déjà été raboté » ; une réduction supplémentaire ferait s’effondrer la recherche. Après tout, « la France est le pays où le coût du travail est le plus élevé au monde ». Le reste de l’entretien est à l’avenant, au diapason des débats qui parcourent cette Ref 2025.

Le retour de l’Isf ? Au secours

Patrick Martin, président du Medef, sonne le tocsin dans son discours d’ouverture, en martelant son opposition à une fiscalité « punitive », et notamment à un éventuel retour de l’impôt de solidarité sur la fortune (Isf). « On ne peut pas appeler à plus de production le matin et vouloir taxer encore plus les actionnaires l’après-midi », tonne-t-il, égrenant le bréviaire libéral : diabolisation de la taxation des plus riches ; sacralisation de la compétitivité ; adjuration de « libérer les énergies ».

Pendant plus d’une heure, le patron des patrons dresse le portrait d’une France au bord de l’abîme, menacée par l’impôt, et relaie le risque de chaos promis par François Bayrou si la confiance ne lui est pas accordée. Le chaos, comme en Grèce il y a dix ans, voilà ce qui attend la France. « Il faut des années pour ne pas s’en relever », s’exclame le Premier ministre devant un public conquis. « Et qui paye ? » feint-il d’interroger. Pas les patrons, en tout cas, à qui François Bayrou propose une formule « gagnant-gagnant » : une réduction des 211 milliards d’euros d’aides accordées aux entreprises, en échange d’un allègement de leurs obligations.

La revue de presse – Dette publique : cinquante nuances de chaos

Ministre de l’Économie, Éric Lombard, est venu féliciter les patrons pour le chiffre de 0,3 % de croissance de la France au 2e trimestre 2025 : « C’est trois fois mieux que la moyenne européenne ! » Et, en bon chauffeur de salle, de les inviter à s’auto-applaudir. Mais son intervieweuse ne se laisse pas distraire, et insiste sur ce qui fâche : la charge de la dette publique, les taux d’intérêt qui augmentent à dix ans… 

Bientôt, le Medef dévoile ses recommandations pour redresser la France et créer un « sursaut de croissance ». Elles feraient passer le plan d’économies de François Bayrou pour une aimable plaisanterie : 230 milliards d’euros de réduction des dépenses publiques, suppression de 1,5 million de fonctionnaires, abrogation du statut, liquidation de 21 000 collectivités territoriales… C’est 8 points de PIB.

Pour conclure, le débat organisé avec les partis politiques n’offre aucune surprise. Si certains – Marine Tondelier (Eelv) ou Manuel Bompard (Lfi) – récoltent les sifflets et les huées, d’autres sont couverts d’applaudissements quand il reprennent la rhétorique austéritaire du gouvernement. Y compris Jordan Bardella, qui ne fait nullement figure d’épouvantail dès lors que le Rassemblement national se revendique « pro-business ». Comme il le fait, dès le lendemain, en envoyant une lettre au Medef, pour le rassurer sur les intentions du RN (allègement massif des impôts des entreprises, allègement du « fardeau normatif »…)

Une illustration, parmi d’autres, des connexions qui se sont nouées entre les milieux d’affaires et l’extrême droite. 

Lennie Nicollet

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