Fonction publique de l’État : des chèques-vacances pour les retraités aussi !

Par une décision du 24 juin 2025, le Conseil d’État a annulé une circulaire datée du 2 août 2023, émanant du ministère chargé de la Fonction publique, en tant qu’elle excluait les retraités du champ des bénéficiaires des chèques-vacances.

Publié le : 11 · 07 · 2025

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droit public

L’article L. 732-3 du Code général de la fonction publique (Cgfp) indique que les « aides aux vacances peuvent être attribuées à l’agent public sous forme de chèques-vacances versés dans les conditions définies aux articles L. 411-18 et L. 411-19 du Code du tourisme ».

Un décret d’application du 6 janvier 2006 (1) précise les conditions de versement de cette prestation d’action sociale.

En substance, le chèque-vacances est un titre nominatif qui peut être remis aux collectivités publiques et à des prestataires de services agréés, en paiement des dépenses effectuées, sur le territoire national, par les bénéficiaires pour leurs vacances (frais de transports, d’hébergement, de repas, d’activités de loisir). Il repose sur une épargne de l’agent prélevée mensuellement par le prestataire et abondée d’une participation de l’employeur.

Il s’agit donc d’un système d’épargne salariale, abondé par des bonifications de l’État.

Les conditions d’ouverture du droit aux chèques-vacances

Le bénéfice du chèque-vacances est soumis à condition de ressources, en fonction du revenu fiscal de référence (Rfr) du foyer fiscal auquel appartient le demandeur, pour l’année n – 2, pour une demande effectuée en année n et du nombre de parts du foyer fiscal du demandeur, apprécié à la date de la demande.

Le taux de la bonification versée par l’État est modulé en fonction du revenu fiscal de référence n – 2 et du nombre de parts du foyer fiscal en année n.

L’épargne mensuelle du bénéficiaire du chèque-vacances doit être comprise, pendant une durée allant de quatre à douze mois, entre 2 % et 20 % du Smic mensuel (2). 

Les agents âgés de moins de 30 ans au moment du dépôt de la demande d’ouverture de plan, en activité, remplissant les conditions d’attribution de la prestation, bénéficient d’une bonification de leur épargne par l’État au taux de 35 %.

Dans un ménage, si les deux conjoints travaillent, chacun d’eux peut demander à bénéficier de la prestation chèque-vacances, qu’ils appartiennent tous les deux à la fonction publique ou que l’un des conjoints soit salarié du secteur privé. Dans ce dernier cas, seul le conjoint agent de la fonction publique bénéficie de la contribution de l’État. 

En outre, la prestation chèque-vacances est cumulable avec les autres prestations servies au personnel de la fonction publique au titre de l’aide aux vacances (par exemple, séjours en colonies de vacances).

Qui sont les bénéficiaires des chèques-vacances ?

Par une circulaire du 2 août 2023 (3), le ministère chargé de la Fonction publique a entendu écarter l’ensemble des agents retraités (qu’ils soient fonctionnaires, ouvriers de l’État ou agents contractuels), ce qui n’était pas le cas auparavant.

L’argumentation des syndicats pour rétablir les retraités dans leur droit

Par une requête, déposée le 5 janvier 2024, des organisations syndicales représentatives, dont l’Union fédérale Cgt des syndicats de l’État, ont demandé au Conseil d’État d’annuler, pour excès de pouvoir, cette circulaire du 2 août 2023.

Effet, les syndicats requérants soutiennent que cette circulaire est entachée :

  1. d’un vice de procédure résultant de l’absence d’information suffisante et de consultation préalable du comité interministériel consultatif d’action sociale des administrations de l’État, en méconnaissance des articles 4 à 6 du décret du 6 janvier 2006, précité ; 
  2. d’illégalité en ce qu’elle méconnaît les dispositions de l’article L. 732-3 du Cgfp, de l’article L. 411-18 du Code du tourisme et de l’article 2 du 6 janvier 2006, précité, selon lesquelles les retraités sont au nombre des bénéficiaires des chèques-vacances ;
  3. d’incompétence en ce qu’elle méconnaît les dispositions de l’article L. 411-21 du Code du tourisme qui renvoient à un décret en Conseil d’État les conditions d’application des dispositions législatives relatives au chèque-vacances ;
  4. d’illégalité et d’erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle méconnaît les dispositions des articles L. 411-18 et L. 411-19 du Code du tourisme en excluant les retraités du bénéfice des chèques-vacances alors qu’ils représentent la catégorie de bénéficiaires aux ressources les plus faibles.

La décision du Conseil d’État 

Le Conseil d’État a rendu sa décision le 24 juin 2025 (4).

En premier lieu, le Conseil d’État constate qu’aux termes de l’article L. 731-2 du Cgfp, les fonctionnaires « participent à la définition et à la gestion de l’action sociale, culturelle, sportive et de loisirs dont ils bénéficient ou qu’ils organisent ». Il considère aussi qu’aux termes de l’article 1er du décret du 6 janvier 2006, précité, il « incombe à l’État employeur d’organiser une action sociale dans la limite des crédits prévus à cet effet ». La juridiction mentionne également que l’article 3 du même décret précise que cette action sociale « est organisée aux niveaux tant interministériel que ministériel » et que l’article 4 dispose que « les agents de l’État participent à la définition et à la gestion de l’action sociale par l’intermédiaire de représentants siégeant dans des organes consultatifs compétents en cette matière ». 

Aux termes de l’article 5 du même décret, s’agissant de l’action sociale interministérielle, « la participation des agents, mentionnée à l’article 4 du présent décret, est organisée au sein du comité interministériel consultatif d’action sociale des administrations de l’État et de ses sections régionales. »

Enfin, le Conseil d’État note qu’aux termes de l’article 6 de ce décret, le « comité interministériel consultatif d’action sociale des administrations de l’État mentionné à l’article 5 du présent décret est institué auprès du ministre chargé de la fonction publique ». Le comité interministériel consultatif d’action sociale des administrations de l’État est « compétent pour : 1. proposer les orientations de l’action sociale interministérielle tant au niveau national qu’à l’échelon déconcentré ; il se dote à cette fin de commissions thématiques ; 2. proposer la répartition des crédits d’action sociale interministérielle gérés tant au niveau central qu’au niveau déconcentré ».

Le juge administratif en déduit « qu’en vertu de ces dispositions, le comité interministériel consultatif de l’action sociale doit être consulté sur les orientations et la répartition des crédits de l’action sociale interministérielle.

Or, note le Conseil d’État, si les membres du comité interministériel consultatif de l’action sociale ainsi que les secrétaires généraux des organisations syndicales siégeant dans cette instance ont été informés de modification du champ des bénéficiaires des chèques-vacances par un courriel du 2 août 2023 de l’administration, il est constant que ni le comité interministériel consultatif de l’action sociale ni ses commissions permanentes n’ont été, préalablement à la signature de cette circulaire, informés et mis à même de débattre des nouvelles orientations souhaitées pour la mise en œuvre de l’action sociale interministérielle dans le cadre d’une réduction des crédits budgétaires, et particulièrement du recentrage du bénéfice de la prestation des chèques-vacances sur les seuls agents de l’État en activité, tel que prévu par la circulaire attaquée. Par suite, les organisations syndicales requérantes sont fondées à soutenir que la circulaire attaquée, faute de consultation préalable du comité interministériel consultatif de l’action sociale est entachée d’illégalité.

Ainsi, la dite circulaire est annulée, en tant qu’elle exclut les agents retraités du bénéfice des chèques-vacances. C’est dans ces conditions que le ministère chargé de la Fonction publique doit, a minima, rétablir dans leurs droits les retraités de la fonction publique.

  1. Décret n° 2006-21 du 6 janvier 2006, relatif à l’action sociale au bénéfice des personnels de l’État.
  2. Consulter le simulateur du ministère de la Fonction publique.
  3. Circulaire du 2 août 2023, du ministère chargé de la Fonction publique, relative au chèque-vacances au bénéfice des agents de l’État (Nor : TFPF2320616C).
  4. Conseil d’État, 24 juin 2025, Fédération générale des fonctionnaires-Force ouvrière, requête n° 490695.
Edoardo Marquès

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