Aux termes de l’article L. 3121-28 du Code du travail, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
L’ancienne jurisprudence de la Cour de cassation
En application de l’article L. 3121-28 du Code du travail, la Cour de cassation jugeait que les jours de congés payés ne pouvaient être pris en compte pour la détermination des heures supplémentaires (Soc., 1er décembre 2004, pourvoi n° 02-21.304 ; Soc., 9 février 2011, pourvoi n° 09-42.939 ; Soc., 4 avril 2012, pourvoi n° 10-10.701), à défaut de dispositions légales ou conventionnelles ou d’un usage contraires.
Le droit de l’Union européenne (textes)
Selon l’article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toute travailleuse et tout travailleur ont droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés.
La directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, traite le droit au congé annuel et celui à l’obtention d’un paiement à ce titre comme constituant deux volets d’un droit unique (CJUE, 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C-350/06 et C-520/06, point 60 ; CJUE, 15 septembre 2011, Williams e.a., C-155/10, point 26).
La jurisprudence européenne (Cour de justice de l’UE)
La Cour de justice de l’Union européenne juge que le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l’Union (CJUE, 6 novembre 2018, Stadt Wuppertal c/ Bauer, C-569/16 et Willmeroth c/ Broßonn, C-570/16, point 80).
La Cour de justice juge que l’obtention de la rémunération ordinaire durant la période de congé annuel payé vise à permettre au travailleur ou à la travailleuse de prendre effectivement les jours de congé auxquels il ou elle a droit (CJUE, 16 mars 2006, Robinson-Steele e.a., C-131/04 et C-257/04, point 49 ; CJUE, 13 décembre 2018, Hein, C-385/17, point 44).
La Cour de justice précise que les incitations à renoncer au congé de repos ou à faire en sorte que les travailleuses et travailleurs y renoncent sont incompatibles avec les objectifs du droit au congé annuel payé, tenant notamment à la nécessité de garantir au travailleur le bénéfice d’un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé. Ainsi, toute pratique ou omission d’une ou un employeur ayant un effet potentiellement dissuasif sur la prise du congé annuel par une ou un travailleur est également incompatible avec la finalité du droit au congé annuel payé (CJUE, 6 novembre 2018, Kreuziger, C-619/16, point 49).
La Cour de justice considère qu’une ou un travailleur pouvait être dissuadé d’exercer son droit au congé annuel compte tenu d’un désavantage financier, même si celui-ci intervient de façon différée, à savoir au cours de la période suivant celle du congé annuel (CJUE, 22 mai 2014, Lock, C-539/12, point 21).
Dans un arrêt du 13 janvier 2022, la Cour de justice a dit pour droit : l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, lu à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition d’une convention collective en vertu de laquelle, afin de déterminer si le seuil des heures travaillées donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint, les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le travailleur ne sont pas prises en compte en tant qu’heures de travail accomplies (CJUE, 13 janvier 2022, DS c/ Koch Personaldienstleistungen GmbH, C-514/20).
Par arrêt du 6 novembre 2018 (CJUE, 6 novembre Stadt Wuppertal c/ Bauer, C-569/16 et Willmeroth c/ Broßonn, C-570/16), la Cour de justice a jugé qu’en cas d’impossibilité d’interpréter une réglementation nationale de manière à en assurer la conformité avec l’article 7 de la directive 2003/88 et l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux, la juridiction nationale doit laisser ladite réglementation nationale inappliquée. La Cour de Justice précise que cette obligation s’impose à la juridiction nationale en vertu de ces deux dispositions lorsque le litige oppose une ou un bénéficiaire du droit à congé à une ou un employeur ayant la qualité d’autorité publique, et en vertu de la seconde de ces dispositions lorsque le litige oppose la ou le bénéficiaire à une ou un employeur ayant la qualité de particulier.
La nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation (le droit positif)
Dès lors, dans le litige opposant une ou un bénéficiaire du droit à congé à une ou un employeur ayant la qualité de particulier, il incombe au juge national d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée la réglementation nationale.
Il convient, en conséquence, d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L. 3121-28 du Code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un temps de travail effectif les heures prises en compte pour la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires applicable à un salarié, soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, lorsque celui-ci, pendant la semaine considérée, a été partiellement en situation de congé payé, et de juger que le ou la salarié peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu’il ou elle aurait perçues s’il ou elle avait travaillé durant toute la semaine.
Le décompte adopté pour le calcul des heures supplémentaires ne doit plus exclure les périodes de congés payés de l’assiette de calcul hebdomadaire des heures supplémentaires.
En résumé
Désormais, la ou le salarié soumis à un décompte hebdomadaire de sa durée de travail peut bénéficier du paiement d’heures supplémentaires sur la semaine au cours de laquelle il ou elle a posé un ou plusieurs jours de congé payé.
Les jours de congés payés sont comptabilisés comme heures de travail pour vérifier le dépassement du seuil de trente-cinq heures de travail hebdomadaire (durée légale).
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