À Hagondange (Moselle), à Saint-Étienne (Loire) et à Custines (Meurthe-et-Moselle), les salariés de Novasco sont loin, très loin de Belém. Le lundi 17 novembre, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg a prononcé la liquidation judiciaire des trois sites, entraînant le licenciement de 550 personnes. Cette décision, rapporte Léa Darnay dans L’Humanité, est jugée incompréhensible par les aciéristes. Dix ans après l’accord de Paris sur le climat, le site mosellan condamné était pourtant fier de « son four électrique qui produit un acier bas carbone, stratégique pour une sidérurgie décarbonée ».
Le « fiasco » d’Hagondange, documenté par Le Républicain lorrain, en masque pourtant un autre : celui de l’accord de Belém, au Brésil, conclu par les négociateurs de la Cop 30. C’est du moins le point de vue développé par nombre d’éditorialistes. Déjà, à son ouverture, Libération alertait en osant un titre à la fois audacieux et anxiogène : « Cop 30 au Brésil : vers l’aCOPalypse ? » Alexandra Schwartzbrod écrit : « Qu’il paraît loin le temps où l’on espérait qu’une Cop allait se conclure par des avancées ou, au moins, par une avancée, même symbolique ! Qu’il paraît loin aussi ce jour de 2017 où le retrait de l’accord de Paris d’un Donald Trump tout juste entré à la Maison Blanche provoquait une onde de choc et une union mondiale (ou presque) contre les États-Unis ! On en est réduit aujourd’hui, vu le climat géopolitique, à espérer que la Cop 30 […] se conclue de la façon la moins dévastatrice possible pour l’environnement. »
Dans l’étau des tensions géopolitiques
L’espoir a donc été douché. « La Cop 30 sauve la face mais pas le climat », titre Le Monde : « Dans un monde multipolaire, caractérisé par des tensions géopolitiques et commerciales grandissantes, où les États-Unis, première puissance mondiale, contestent le changement climatique et où une défiance structurelle existe entre le Nord et le Sud, il n’y aura pas eu le sursaut indispensable pour accélérer la mise en œuvre des engagements de l’accord de Paris », analyse le quotidien dans un éditorial.
Cette « déception » provient en particulier de l’échec des négociatrices et négociateurs à intégrer la sortie des énergies fossiles dans l’accord final. « Alors que les négociations se sont éternisées au-delà de leur terme initial, le front des pays les plus ambitieux – près de 90 pays de l’Union européenne, de l’Amérique latine et du Pacifique – a fini par courber l’échine face à l’obstination des États producteurs d’hydrocarbures, alliés à certains pays en développement qui estiment ne pas disposer des moyens matériels et financiers nécessaires pour conduire leur transition énergétique », résume Antoine Portoles dans L’Humanité.
Le site Reporterre parle même d’un « coup de force » permettant aux énergies fossiles et à la déforestation d’être exclues de l’accord. « Nouvelle Cop, nouveau fiasco. Samedi 22 novembre à 17 h 41 (heure française), le président de la conférence onusienne, André Corrêa do Lago, a frappé trois fois de son marteau pour officialiser la fin des négociations. Un geste qui a aussitôt été accueilli par la révolte de plusieurs diplomates, affirment ses deux correspondants. L’Union européenne, la Colombie, la Suisse et le Panama ont affirmé ne jamais avoir donné leur approbation au texte d’accord validé par le président lors de cette ultime plénière. Celui-ci aurait clos les débats… sans leur accorder la parole. » Pour El Païs, la victoire est « indéniable » pour les industries fossiles et combustibles.
Verre à moitié vide… ou à moitié plein ?
Le ton est un plus nuancé dans la lettre quotidienne de Courrier international qui préfère évoquer, à la lecture de la presse internationale, un « accord modeste » : « À l’issue d’une dernière nuit particulièrement âpre, les près de 200 délégations présentes dans la ville amazonienne ont accepté de signer un texte peu ambitieux plutôt que rien, offrant un satisfecit aux pays producteurs de pétrole, de gaz et de charbon. » La lettre relaie notamment l’article du Guardian qui parle d’un « petit pas supplémentaire vers la fin des énergies fossiles » sans être pour autant suffisant, reconnaît-il, pour enrayer les ravages du dérèglement climatique.
Le verre, en effet, peut être regardé à moitié plein, soutient encore l’éditorial du Monde, « en constatant que la ligne adoptée par les États-Unis de Donald Trump n’a pas créé de dynamique poussant à remettre en cause la réalité du changement climatique et la nécessité d’agir. Les 194 pays ont “réaffirmé avec force” leur engagement en faveur du multilatéralisme et de l’accord de Paris. Le pire a été évité ». Mais cela suffit-il ? Dans Le Figaro, son envoyée spéciale à Bélem, Anne-Laure Frémont pose la question d’une réforme des Cop : « Trop fréquentes ? Trop fréquentées ? Trop peu efficaces ? Chaque année depuis trente ans, le monde se réunit pour la conférence des parties (Cop) afin de s’attaquer collectivement au réchauffement climatique. Mais plus les années passent, plus le processus est remis en question. » Cependant, ajoute-elle, les participants en conviennent : « Sans les Cop, la hausse des températures serait bien pire. » Faut-il s’en contenter ? Compte tenu de l’urgence, souligne Médiapart, l’ambition est bien maigre…
Retour à Hagondange. Dans son reportage publié par L’Humanité, Léa Darnay relaie l’amertume de Nicolas Haettinger, élu du personnel CGT : « C’est un immense gâchis, fermer Hagondange est un non-sens et prive le pays d’une ressource stratégique pour la transition écologique et la réindustrialisation tant vantées. »
