« Prendre des libertés avec le langage technique est un crime contre la clarté, la précision et la beauté de la parole ». Ouvrir un ouvrage de droit du travail par une citation littéraire (Joseph Conrad, Le Miroir de la mer, Gallimard, 1964) peut surprendre quiconque s’apprête à se plonger dans les plus de 800 pages qui suivent. C’est pourtant le choix fait dans l’avant-propos de la 32e édition du « Grand livre du droit du travail », écrit par Michel Miné, professeur du Cnam (Conservatoire national des arts et métiers), titulaire de la chaire « droit du travail et droits de la personne et avocat au barreau de Paris.
Que le lecteur, pourtant, se rassure. La « somme » qui se déroule sous ses yeux est structurée en quatre grandes parties, comme autant de points d’entrée à la (re)découverte du droit du travail : sources et institutions ; l’emploi ; le travail ; les relations collectives de travail. L’écriture, qui ne cède donc rien à la matière « du langage technique » comme le suggère l’avant-propos, est accessible au plus grand nombre, support de nombreuses balises pédagogiques « dans cet océan de règles » et d’encadrés pratiques. Surtout l’ouvrage réactualise la compréhension du droit du travail applicable aujourd’hui, en mettant en exergue ses évolutions à partir de sources multiples : conventions internationales, directives européennes, lois, accords collectifs ou jurisprudence.
Un encadrement plus strict du forfait en jours
Et – bonne nouvelle – ces évolutions peuvent être positives, comme l’illustrent au moins deux cas emblématiques de ce point de vue. D’abord l’affaire des congés payés. Désormais, la jurisprudence européenne qui prévoit l’acquisition de journées de congé pendant la période d’arrêt de travail, le report des jours de congés en cas de maladie pendant les congés, etc., est pleinement applicable. Puis la notion de « harcèlement moral institutionnel ». Élaborée et mise en œuvre par le tribunal correctionnel de Paris en 2019 et par la Cour d’appel de Paris en 2022, elle a été validée par la Cour de cassation, en 2025. Il faut y ajouter notamment une meilleure protection des lanceurs d’alerte, un encadrement de plus en plus strict du forfait en jours, avec le droit au paiement des heures supplémentaires et les dommages-intérêts pour durées du travail excessives.
Mais, « trop souvent, les droits sont méconnus et donc ne sont pas mobilisés, ni a fortiori appliqués », souligne Michel Miné, pour qui le partage du savoir juridique répond à un enjeu démocratique. C’est tout l’objet de cet ouvrage, dont la première édition, parue en 1983, s’inscrivait une période marquante dans l’histoire du droit du travail avec la promulgation, un an plus tôt, des lois Auroux autour de quatre thématiques structurantes : les libertés des travailleurs dans l’entreprise ; le développement des institutions représentatives du personnel ; la négociation collective et au règlement des conflits du travail ; les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
- Le grand livre du droit du travail, 32e édition, Michel Miné, Éditions Eyrolles, septembre 2025, 42 euros.