Le bilan s’articule autour de trois grandes thématiques : les luttes contre les réformes régressives ; l’activité revendicative ; la vie syndicale. Dans son intervention d’ouverture, Fabienne Tatot souligne que l’activité s’est inscrite dans un environnement déstabilisé et a porté une double exigence : résister à l’offensive libérale et construire un syndicalisme de luttes porteur d’alternatives transformatrices.
La période 2021-2025 a en effet été marquée en premier lieu par une remise en cause des droits et protections collectives. À commencer par la réforme des retraites de 2023. Au cœur des journées d’action – 15 au total – organisées pour s’y opposer, l’Ugict a développé une stratégie pour articuler la mobilisation avec une bataille idéologique autour de propositions alternatives, en lien avec les questions structurantes de son activité (salaires, qualification, emploi).
Si la réforme a été promulguée, le bilan souligne deux perspectives encourageantes : une modification du rapport des Ictam au syndicalisme ; une capacité à fédérer et à imposer les revendications dans le débat public. En solidarité avec les grévistes, une « CGTeuf » a été organisée avec le collectif Jeunes diplômé·es, passé de 130 à plus de 460 membres. Dans le prolongement, l’Ugict a participé aux délégations mandatées sur plusieurs négociations : les retraites complémentaires Agirc-Arrco ; le pacte de la vie au travail et emploi des seniors ; la gouvernance des groupes de protection sociale.
« Avec l’essor de l’IA générative, l’Ugict a approfondi son travail d’anticipation des problématiques sociales, économiques, éthiques, juridiques ou environnementales du numérique. »
S’est aussi imposée l’urgence de se saisir de nouveaux fronts, dont la transition écologique et le numérique, en lien avec l’IA et le télétravail – objet de deux enquêtes de l’observatoire mis en place par l’Ugict. Le mandat s’est ainsi caractérisé par la montée en puissance du Radar travail environnement, soutenu par l’Anact et coconstruit avec Secafi et l’association étudiante Pour un réveil écologique. Plusieurs initiatives se sont tenues en appui, comme les Rencontres d’Options (« Climat : transformer le travail pour répondre à l’urgence ») ou la réalisation d’une série de cinq webinaires « Crises environnementales et enjeux sociaux ». Plus de 120 syndicats ont sollicité l’implémentation du Radar, dont la « confédéralisation » est en cours.
Avec l’essor de l’IA générative, l’Ugict a approfondi son travail d’anticipation des problématiques sociales, économiques, éthiques, juridiques ou environnementales posées par le numérique. Son collectif dédié a été pérennisé et impliqué dans le projet Dial’IA initié par l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires). Le bureau confédéral a mandaté l’Ugict pour piloter le dossier et devenir la référence syndicale sur l’IA. Plus généralement, deux campagnes ont été déployées : « Travailler moins, travailler mieux, c’est possible » ; pour une réduction du temps de travail, un encadrement strict du télétravail, et la reconnaissance pleine des qualifications.
Égalité : un axe central de l’activité
Priorité a été donnée à la réduction des inégalités salariales entre les femmes et les hommes : participation aux travaux du Haut Conseil à l’égalité sur la refonte de l’index salarial et sur le télétravail ; engagement dans la grève féministe du 8 mars ; réflexion sur la revalorisation des métiers à prédominance féminine ; travail, au sein d’Eurocadres et de la confédération, sur la transposition de la directive européenne sur la transparence salariale… Avec la FSU, avec laquelle une dynamique durable s’est installée, une formation sur les classifications a été lancée, intégrant la notion de salaire égal pour un travail de valeur égale.
Autre priorité : la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Dans le prolongement de la ratification de la convention 190 de l’Organisation internationale du travail (OIT), l’Ugict a créé un kit de sensibilisation, élaboré une heure d’information syndicale dédiée, mis en place une formation de référent·es… Au chapitre des retraites, elle a installé les inégalités femmes-hommes au cœur des mobilisations de 2023. Symboliquement, a été édité un chèque géant de 6 milliards d’euros de cotisations sociales dues par le patronat à la Cnav, soit l’équivalent du manque à gagner du fait des inégalités salariales.
S’agissant des enjeux de recherche, l’Ugict a poursuivi le pilotage du Collectif confédéral recherche (CCR), dont l’activité se développe sur fond de choix budgétaires destructeurs, de logiques austéritaires et de défiance croissante envers les scientifiques. Le CCR y a opposé une vision globale et émancipatrice de la recherche publique comme privée, fondée sur l’intérêt général. En 2025, l’Ugict s’est associée aux appels de l’intersyndicale de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, en solidarité avec les universitaires mobilisés aux États-Unis dans le cadre du mouvement Stand up for science.
Contre les idées d’extrême droite, une action inscrite dans la durée
Avec la crise démocratique et politique, les idées d’extrême droite ont progressé en ciblant entre autres les libertés syndicales, les droits sociaux et les principes égalitaires. L’Ugict y a opposé une stratégie inscrite dans la durée. Après la dissolution de l’Assemblée nationale, elle s’est engagée dans la campagne confédérale d’appel à battre l’extrême droite, pour le programme du Nouveau Front populaire (NFP). Conformément à ses valeurs et à ses statuts, elle a poursuivi son travail de déchiffrage des idées d’extrême droite, en faisant appel à l’expertise d’acteurs du monde associatif et de la recherche. Une visite du musée de la Résistance à Champigny a permis de mettre en lumière le rôle des Ictam dans la lutte contre le fascisme.
L’Ugict a également cherché à progresser sur les enjeux liés au racisme, en refusant de mettre en opposition les groupes discriminés. Suite à une alerte interne, une commission a été mise en place par la direction. Elle a débouché sur plusieurs préconisations, dont la sensibilisation du collectif de direction au travers d’une journée dédiée à la lutte contre les discriminations racistes, dispensée par la Ligue des droits de l’homme.
« L’Ugict compte 86 485 affilié·es en 2023, soit une progression de 11,5 % en deux ans. C’est un record depuis sa création en 1963. »
En interne sont apparues des tensions accrues sur l’organisation des ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise dans la CGT, notamment en raison de désaffiliations unilatérales par certaines fédérations ou de la réduction de l’activité spécifique aux seuls cadres qui encadrent, ou aux techniciennes et techniciens qui managent une équipe.
Tout en soulignant la fragilité structurelle de l’activité spécifique, les deux copilotes de la commission mettent en avant une poussée historique de l’affiliation. L’Ugict comptait 86 485 affilié·es en 2023, soit une progression de 11,5 % en deux ans (9 000 Ictam syndiqué·es). C’est un record depuis sa création en 1963. Cette dynamique pointe l’urgence, pour structurer les nouvelles adhésions, de développer l’activité spécifique concernant toutes et tous les Ictam, dès lors qu’ils exercent une responsabilité professionnelle, jouissent d’une autonomie dans le travail ou qu’ils sont reconnus par leur qualification.
Bien que pesant 51 % du salariat, les Ictam constituent seulement 15 % des syndiqué·es CGT. Malgré une progression de la syndicalisation et des initiatives marquantes, la CGT et son Ugict peinent donc encore à toucher l’ensemble de ces catégories. Le manque d’implantation dans les grandes entreprises limite le rapport de force. Priorité a été donnée à l’implantation dans les 17 métropoles concentrant 60 % des Ictam, avec des actions ciblées par exemple à la Défense. Mais les efforts sont inégaux. Pour renforcer l’adhésion, plusieurs outils ont été développés : guide d’accueil du nouvel embauché et du nouveau syndiqué, formation d’accueil pour les nouvelles et nouveaux adhérents et suivi des demandes d’affiliation.
Point notable, la dynamique d’adhésions en ligne a été significative : 2 656 en 2023 (1 480 cadres, 552 ingénieurs, 624 techs) ; 2 063 en 2024 (1 239 cadres, 444 ingés, 380 techs). Mais sur les 8 000 réalisées par la CGT en 2024, 58 % ne sont toujours pas rattachées à une base syndicale, d’où un risque d’adhésions sans suites. L’Ugict-CGT s’est donc investie dans leur suivi et contribue au dispositif d’accueil confédéral.
Des thématiques revendicatives qui restent à travailler
D’un point de vue revendicatif, l’Ugict-CGT devait mettre en œuvre 11 fiches. Pour y parvenir, elle s’est structurée autour d’un espace comprenant deux pôles – « Cadres » et « Professions techniciennes et intermédiaires » –, 11 collectifs thématiques et une activité internationale articulée à Eurocadres. Si certaines thématiques ont pris une place prépondérante (impact du numérique et de l’IA, crise environnementale, égalité femmes-hommes), d’autres restent à travailler, comme les conséquences économiques, sociales et territoriales de la métropolisation.
Les pôles ont contribué à l’actualisation des formations et à la réalisation d’événements, comme les Rencontres d’Options « Professions intermédiaires, la grande déqualification » (janvier 2025) et « Manager au XXIe siècle : missions impossibles » (juin 2025). Ils ont assuré la mise à jour des baromètres Ugict-Secafi-Viavoice. Avec le collectif Fonction publique, ils ont contribué à la publication de deux numéros spéciaux de Cadres infos et créé une formation syndicale « Les Ictam dans la Fonction publique ».
Certains collectifs ont vu leur activité limitée, faute de moyens ou en raison de réorganisations : Femmes-mixité-égalité professionnelle, Protection sociale-retraite, Définanciarisation, Ingénierie ou Environnement-industrie, centré sur le Radar travail-environnement.
Enfin, le congrès confédéral de mars 2023 et l’élection de Sophie Binet à la tête de la CGT ont eu un impact majeur sur l’Ugict, en conduisant à une refonte du secrétariat national, dont les mandats de secrétaire générale et de secrétaire générale adjointe. Le mandat s’est aussi caractérisé par le développement du secteur communication et la transformation du journal Options, avec la création d’une revue trimestrielle et d’un site d’information en libre accès.
Le bilan d’activité a été adopté par 93,39% des voix pour (45884 voix), 6,38% d’abstention (3134) et 0,23% de voix contre (111). Sur 53106 voix portées, 92,51% se sont exprimées.
