« Et le silence est à nouveau tombé ». Sur Médiapart, c’est ainsi que Martine Orange ouvre son analyse sur le champion mondial de la sidérurgie, après que la direction d’ArcelorMittal a annoncé, en comité social et économique, la suppression de 636 emplois en France. Plusieurs sites sont impactés par cette décision : Dunkerque, Florange, Basse-Indre, Montataire, Mardyck, Mouzon et Desvres. Martine Orange explique : « Passé les déclarations d’“incompréhension” et les appels aux interventions publiques, les annonces du plan de suppression d’emploi de 600 salariés d’ArcelorMittal Nord semblent comme oubliées. Les responsables politiques sont déjà passés à autre chose. »
« Le tissu se déchire et le gouvernement regarde les emplois s’effilocher », abonde dans L’Humanité Lionel Venturini, en réaction à l’annonce de la liquidation judiciaire de l’enseigne de prêt-à-porter Jennyfer. Idem pour Kaporal, ainsi que Clergerie, la dernière entreprise de chaussures de luxe de Romans-sur-Isère (Drôme). L’éditorialiste interpelle le gouvernement dans sa capacité – ou plutôt son incapacité – à réagir : ce dernier, en effet, « dispose d’un levier puissant : les marchés publics – près de 60 milliards d’euros chaque année. Ils peuvent être un facteur de relocalisation pour peu que changent les règles européennes, pour permettre un seuil garanti de production sur notre continent. On en est loin ».
Dans des réalités parallèles
De l’argent public, il y en eu pour Stmicroelectronics, dont la violence du plan de restructuration est maquillé en « départs volontaires », plus acceptables : près de 2 800 emplois directs sont ciblés dans le monde, particulièrement en France et en Italie. En tout, 5 millions d’euros mais aussi 200 millions de dividendes… et 3 000 licenciements. Que se passe-t-il chez Stmicroelectronics ? se demande ainsi L’Humanité qui, dans son édition du 29 avril, publie également un entretien avec Sophie Binet.
Pour la secrétaire générale de la Cgt, qui demande la nationalisation des hauts fourneaux, l’industrie est « victime de la démission de l’État ». Après que Marc Ferracci, le ministre de l’Industrie, s’est félicité de la « balance positive » des créations d’emplois industriels, elle fait un rappel au réel : « Le ministre vit dans une réalité parallèle. En mai 2024, nous dénombrions au moins 130 plans de licenciement. Depuis, nous en comptons plus de 360. Ce recensement n’est que partiel. Des plans dits de “sauvegarde de l’emploi” (Pse) passent sous les radars de la Cgt. »
1er mai : où est le travail ?
Pendant ce temps, en ce jour du 1er mai, la question sociale est escamotée. Rapidement oubliés, les morts au travail évoqués à la faveur de la journée mondiale de la santé au travail. Ils ont été 21 000 en vingt ans… Un record français accablant, titre Politis, qui dénonce « un silence assourdissant ». Beaucoup préfèrent les remous faits par la polémique sur l’« insupportable » jour chômé, empêchant les boulangeries et les fleuristes de faire travailler leurs employés. Le site de Capital relaie ainsi leur « grosse colère » en invitant les consommateurs à penser « à stocker une ou deux baguettes au congélateur en vue du 1er Mai ». Il faut « arrêter d’emmerder les Français et ceux qui veulent travailler », soutient le président de la Cpme sur France Inter.
« Travailler plus : un débat qui va croissant », titre Libération à la Une, le vendredi 2 mai, en regrettant que l’injonction à la productivité passe sous silence la qualité de vie au travail. Dans son éditorial, Dov Alfon tente la métaphore : « Le geste est fatigant, mais il faut respecter la tradition : on pétrit le pain en étirant la pâte et en la repliant sur elle-même, on altère le modèle social en regrettant que les Français ne travaillent pas assez. Répétez, ajoutez de l’eau, roulez en boule et reprenez le lendemain, la recette est invariable au fil des années ». À force de l’entendre, « de plateau en plateau, de tribune en tribune, de meeting en meeting », Frantz Durupt se demande comment « dès lors ne pas se sentir un peu traité de tire-au-flanc » et fustige « une obsession politique française ». Pour le coup, extrêmement bruyante.