William Ewart Napier est né le 17 janvier 1881 à Dulwich, dans le sud de Londres. Lorsqu’il a 5 ans, ses parents émigrent aux États-Unis. La famille s’installe à Brooklyn, un arrondissement défavorisé de New York, mais un riche melting-pot ethnique et culturel. Très jeune, William s’intéresse au jeu d’échecs, profitant de la présence à New York d’innombrables joueurs de première force pour progresser rapidement.
En 1896, il remporte le championnat du club de Brooklyn. Cette même année, il s’impose en match face à Frank Marshall, un des meilleurs joueurs des États-Unis, voire du monde. Et le score est sévère : sept victoires, une défaite et trois nulles en faveur de l’adolescent. L’avenir de William Napier sur les soixante-quatre cases s’annonce alors radieux.
Dans le Top 5 à Monte Carlo en 1902
Afin d’étudier la musique, en 1899, le jeune prodige navigue vers l’Europe. Mais il va évidemment profiter de ces années d’études pour croiser le fer avec les meilleurs joueurs d’échecs du monde. Il dispute un très fort tournoi à Monte Carlo en 1902. La compétition est longue et rude, l’apprentissage du très haut niveau est plus ardu que prévu. Finalement, il termine en milieu de classement, mais il apparaît comme un des cinq meilleurs joueurs du moment.
Citoyen états-unien mais né en Albion, il a le droit de disputer les championnats nationaux de son pays natal. C’est ainsi qu’en 1905, il termine premier ex æquo du championnat d’Angleterre puis, après avoir emporté le match de départage face au redoutable Henry Atkins, il est sacré champion.
Le choc de la défaite
Cette année-là, en marge de quelques tournois internationaux, il joue encore deux matchs. Le premier contre l’Allemand Jacques Mieses, qu’il annule 4 points chacun. Le second en revanche est une cuisante défaite : un autre Allemand, Richard Teichmann, le bat 5 points à 1.
Ce terrible revers est un choc pour le jeune homme. Jusqu’alors, tout s’était merveilleusement passé. Cette même année 1905, à 25 ans, il retourne aux États-Unis. Il ne rejouera plus jamais sérieusement aux échecs, et se lance dans les assurances. En fin de carrière, il sera vice-président de la compagnie d’assurance américaine Scranton. Le prodigieux gamin de Brooklyn, qui avait fait trembler les meilleurs joueurs du monde entre sa 15e et sa 24e année, s’éteint à New York en 1952.
Curt von Bardeleben-William Ewart Napier
Tournoi de Hanovre (10e ronde), Allemagne, 1902. Partie espagnole.
1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.Fb5 a6 4.Fa4 Cf6 5.Cc3 (5.0–0 est le coup usuel de nos jours.) 5…d6 6.d3 Fd7 7.Ce2 g6 8.c3 Fg7 9.h3 De7 10.Fe3 d5 11.Fc2 Fe6 12.Dc1 dxe4 13.dxe4 Fc4 14.b3 Fxe2 15.Rxe2 0–0 (les noirs ont largement égalisé.) 16.g4!? (16.Td1 Ch5 17.Rf1 était plus solide.) 16…Tad8 17.b4
(voir diagramme)
17…Cd4+!? (un magnifique sacrifice intuitif !) 18.cxd4 exd4 19.Fxd4 (19.Cxd4!?) 19…Cxe4 20.De3 (les blancs comptaient sur ce coup de défense.) 20…Fxd4 21.Cxd4 Dxb4 (21…Tfe8!?) 22.Fxe4 Txd4 23.Fd3 (23.f3?? Db2+!–+) 23…Da4 (23…Tfd8!? était très fort : 24.Tad1 ((24.Thd1 Txd3 25.Txd3 Db2+ 26.Dd2 Te8+ 27.Rf3 Dxa1–+)) 24…Da4 25.Rf3 Te8 26.Dd2 Dc6+ 27.Rg3 Ted8 28.De3 Dd6+ 29.Rg2 Txd3–+) 24.Rf1 Te8 25.Df3 Tf4 26.Dd1 (si : 26.Dg3 Dc6! 27.Tg1 Tf3–+) 26…Dd4 (menace mat en f2.) 27.Th2 Dd6 28.Tg2 Td4! (le clouage revient !) 29.Tg3 Td8 30.Re2 c5! 31.Db3 Txd3! (31…b5!?) 32.Txd3 De5+ 33.Te3 Dxa1 (les noirs ont deux pions d’avance.) 34.Te7 c4! 35.Dxc4 Dd1+ 36.Re3 De1+ 37.De2 Dc3+ 38.Rf4 Td4+ 39.Te4 Dc7+ 40.Rg5? (40.Re3 Txe4+ 41.Rxe4 De7+ 42.Rd3 Dxe2+ 43.Rxe2 Rg7, la finale de pions est gagnée.) 40…f6+! 41.Rxf6 Td6+ (les blancs abandonnent avant : 42.Te6 ((42.Rg5 Td5+ 43.Rh4 g5+ 44.Rh5 Df7+ 45.Rh6 Dg6#)) 42…Df7+ 43.Rg5 Dxe6–+) 0–1
William Ewart Napier-N.N.
Un petit bijou, joué en 1904 lors d’une simultanée ou partie d’exhibition. Gambit du roi.
1.e4 e5 2.f4 (l’une des ouvertures les plus agressives après 1.e4 e5) 2…exf4 3.Cf3 g5 4.h4! (la bonne réaction) 4…g4 5.Cg5 (5.Ce5 est également joué.) 5…h6 6.Cxf7!? (objectivement faux, mais très intéressant) 6…Rxf7 7.d4 d5 8.Fxf4 Fg7 (8…Cf6!?) 9.Cc3 dxe4?! (ce coup est risqué, il ouvre les lignes alors que le roi noir est dans les courants d’air. 9…Cf6!?) 10.Fc4+ Rg6 (10…Fe6? 11.Fxe6+ Rxe6 12.Dxg4+ Rf7 13.Fe5!, avec une forte attaque sur le roi noir) 11.h5+ Rh7 12.Cxe4 Dxd4?! (12…Ce7!?) 13.Fd3 Ff5 14.Dxg4! Dd7?? (14…Fxg4?? 15.Cf6#. Il fallait jouer : 14…Ce7 15.Cg5+ hxg5 16.Fxf5+ Rg8 17.Fe6+ Rh7=) 15.Dg6+!! (les noirs ont manqué ce superbe coup, c’est fini !) 15…Fxg6 16.Cg5+ hxg5 17.hxg6# 1–0
Le problème du mois
Etude de J. Peckover, 1961.
Les blancs jouent et gagnent.
La solution
Solution : 1.Fc1! (sur : 1.Ff6 b3 2.Ra3 Rd3 3.Rxb3 ((3.Fc3? e3!–+)) 3…Rxd2=) 1…Rd3 2.Rb3 Re2 3.Rc2 Re1 4.Fb2! Re2 (après : 4…b3+ 5.Rc3! Rd1 6.Fa3 Re2 7.Fc1 Rd1 8.Rb2 Re2 9.Rxb3+-) 5.Fa1! (si : 5.Fd4? b3+! 6.Rc1 b2+ 7.Fxb2 Rd3 8.Rd1 e3=) 5…e3! (sur : 5…b3+ 6.Rc3 Rd1 7.Fb2 Re2 8.Fc1 Rd1 9.Rb2 Re2 10.Rxb3+-) 6.d3! (surtout pas : 6.d4?? Rf1 et le pion e va à promotion.) 6…Rf3 (6…Rf2 7.Ff6! e2 8.Fh4+ Re3 9.Fe1 b3+ 10.Rc3 b2 11.Fd2+ Rf2 12.Rxb2 gagne pour les Blancs.) 7.Fd4! (et pas : 7.Rd1? Rf2 8.Fd4 b3 9.Fb6 Rf3=) 7…Re2 (si : 7…e2 8.Rd2 b3 9.Re1 b2 10.Fxb2 Re3 11.d4+-) 8.Fb2 Rf3 9.Fc1! e2 10.Fd2 ! (les noirs ne peuvent plus lutter.) 1–0