Voyage sentimental dans l’univers de Robert Doisneau

Au musée Maillol, sous le titre « Instants donnés », la rétrospective du grand photographe révèle, sous tous les angles, la profondeur de son talent proprement humaniste.

Publié le : 03 · 09 · 2025

Temps de lecture : 3 min

Image abstraite réalisée par Antoine Thibaudeau, mélangeant peinture acrylique, étoiles scintillantes et reflets aquatiques.

Quelque 400 photographies, prélevées dans un ensemble qui en compte plus de 450 000, constituent la rétrospective, au musée Maillol, de l’œuvre de Robert Doisneau (1912-1994), artiste de l’objectif, tantôt défini, par d’autres ou par lui-même, comme « braconnier de l’éphémère, mercenaire de la pellicule, révolté du merveilleux, pêcheur d’images » … 

L’ouverture des boîtes à chefs-œuvre paternels

Pour l’occasion, les deux filles du photographe, Annette Doisneau et Francine Deroudille, qui animent depuis plus de 20 ans l’Atelier Robert Doisneau, qu’elles ont créé, ont procédé à l’ouverture des boîtes à chefs-d’œuvre paternels. Ainsi se côtoient, sur les cimaises, des images archiconnues et d’autres inédites.

Le parcours est balisé en chapitres simples : enfance, artistes, bistrots, écrivains, banlieues, etc., reprenant le classement établi par l’agence Rapho. Le visiteur est alors convié à suivre Doisneau de l’enfance à la vieillesse, de Paris, ville-monde, à ses alentours.

Il assiste au déballage des statues de Maillol

Cela a lieu au musée Maillol pour une raison précise. Le 29 juin 1964, Doisneau, traversant les Tuileries, assiste au déballage des statues d’Aristide Maillol. André Malraux, ministre de la Culture, a décidé qu’elles doivent être exposées dans le jardin. Doisneau passe la journée à les photographier, en présence de Dina Vierny, qui fut la muse du sculpteur et le modèle des statues.

Il ne quittait jamais son cher appareil

Ainsi, le h asard, qui paraît-il fait bien les choses, aura accompagné, toute sa vie, ce maître de l’instantané toujours sur le qui-vive. Il ne quittait jamais son cher appareil. Les auteurs des attendus de l’exposition « Instants donnés » notent, à juste titre, qu’il fallait, pour Doisneau, « s’arrêter impérativement lorsqu’il est demandé de circuler là où il n’y rien à voir ». De 1934 à 1939, il a été photographe industriel aux usines Renault de Boulogne-Billancourt. En témoignent maints clichés sur le monde du travail au temps du Front populaire, auprès des « mouilleurs de chemise », sur lesquels il portera à jamais un regard fraternel.

Visages et corps d’hommes et de femmes d’avant-hier

Ce qui touche infiniment, au fil de la visite, c’est bien la résurrection éphémère d’un Paris qui n’existe plus, avec ses bougnats (vin rouge et charbon), ses gamins en culotte courte ou pantalon de golf, ses visages et ses corps de femmes et d’hommes d’avant-hier, placés sous les auspices d’un œil attentif aussi tendre que mélancolique. Un Paris sans McDo ni publicités tapageuses, sans portables, propre aux « Trente glorieuses » qui ne le furent pas pour tous, avant tout chaleureux comme un poème de Jacques Prévert, que son ami Doisneau saisit en plein air, en 1955, assis de profil devant un guéridon, son chien noir à ses pieds.

« À condition d’apporter avec lui un regard neuf »

L’exposition « Instants donnés », qui va de 1932 à 1994, récapitule parfaitement la vie et l’œuvre du photographe-artiste qui a su également s’exercer à la publicité de façon originale, s’adonner au collage avec talent et donner un temps, à Vogue, de fort belles images sophistiquées. On peut, au musée Maillol, en voir 40. De cette époque, il disait avec humour : « J’étais le fils du jardinier invité à venir avec les enfants du château, à condition d’apporter avec lui un regard neuf ».

Jusqu’au 12 octobre au Musée Maillol, 59-61 rue de Grenelle, Paris 7e.

Jean-Pierre Léonardini

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