Voir L’œuvre au noir sur papier de Pierre Soulages

Le Musée du Luxembourg présente 130 œuvres de ce type de peinture, que ce maître de l’abstraction a pratiqué à plusieurs étapes de sa longue vie de création.

Publié le : 07 · 11 · 2025

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Guy Bourdin, « Pierre Soulages dans son atelier », 11 bis rue Schœlcher, Paris, 1963. Photographie 21 x 14,8 cm. Collection particulière

The Guy Bourdin Estate. Adagp, Paris, 2025.

L’exposition « Soulages, une autre lumière », que propose le Musée du Luxembourg, s’attache à révéler un nombre considérable d’œuvres sur papier (il y en a 130, dont plus d’une trentaine sont inédites), exécutées par l’artiste – avec quelques interruptions – au fil de son parcours pictural, jusqu’au début des années 2000.

Mort le 25 octobre 2022 à l’âge de 102 ans

C’est sur papier, dès 1946, que ses peintures aux larges traces résolues, réalisées au brou de noix (matière empruntée aux ébénistes) ont tranché sur les autres recherches abstraites de l’époque. On doit à Pierre Soulages, mort le 25 octobre 2022 à l’âge de 102 ans, plus de 1700 peintures sur toile, quelque 800 peintures sur papier, plus de cent estampes, trois bronzes, trois goudrons, des tapisseries et une céramique.

Il est très tôt fasciné par l’art roman

Pierre Soulages a été inhumé au cimetière de Montparnasse, après un hommage national dans la cour carrée du Louvre. Né à Rodez en 1919, il est très tôt fasciné par les formes rudes des monuments mégalithiques et l’art roman de son Rouergue natal. En 1937, il découvre Cézanne et Picasso. Deux ans plus tard, admis à l’Ecole des Beaux-arts, il décide de ne pas y aller et retourne à Rodez. En 1941, il rencontre Colette Llaurens, qu’il épouse en 1942.

L’impression demeure d’une inspiration monumentale

En 1948-1949, suite à l’exposition Französische abstrakte Malerei en Allemagne, son œuvre, dûment reconnu, est à l’honneur autant en France qu’à l’étranger. Ce qui frappe, au Musée du Luxembourg, c’est la permanence de signes vigoureux, réalisés avec une rare économie de moyens, qui mettent en jeu une monochromie aux noirs puissants. Jusque dans les petits formats, l’impression demeure d’une inspiration monumentale.

Pierre Soulages, « Brou de noix sur papier », 73,5 x 46,6 cm, 1946. Collection C.S.© Adagp, Paris, 2025 © Photo Vincent Cunillère.

Il découvrait « un art né de la division d’un rectangle »

Abstraites dès l’origine, les peintures de Pierre Soulages ont été d’emblée saluées, par des artistes tels Francis Picabia et Hans Hartung et par des critiques et des écrivains comme Michel Ragon, Roger Vailland ou Joseph Delteil. Il rapportera qu’en juillet 1940, en lisant Signal, revue de propagande allemande diffusée en France, dans un article qui vomissait sur la peinture moderne, dite « dégénérée », un tableau reproduit de Mondrian lui permit de découvrir « un art né de la division d’un rectangle, fondé sur les rapports géométriques ».       

« Cette lumière secrète venue du noir »

On a souvent comparé les inventions de Pierre Soulages à des idéogrammes chinois. Lui-même s’est fréquemment expliqué sur l’esprit de son œuvre.  Une fois, c’était en ces termes : « Un jour je peignais, le noir avait envahi toute la surface de la toile, sans formes, sans contrastes, sans transparences. Dans cet extrême, j’ai vu, en quelque sorte, la négation du noir. Les différences de texture réfléchissaient plus ou moins faiblement la lumière et du sombre émanait une clarté, une lumière picturale dont le pouvoir émotionnel particulier animait mon désir de peindre. Mon instrument n’était plus le noir, mais cette lumière sécrète venue du noir ».

Stéphane Harcourt

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