L’action de groupe rénovée et facilitée

La Loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue n° 5), dans son article 16, modifie largement le régime de l’action de groupe pour les démarches collectives contre les manquements de l’employeur.

Publié le : 27 · 06 · 2025

Temps de lecture : 9 min

Options - Le journal de l’Ugict-CGT

Une action de groupe est exercée en justice par un demandeur (syndicat notamment), pour le compte de plusieurs personnes physiques (salariés, candidats à un emploi, etc.) ou morales, placées dans une situation similaire, résultant d’un même manquement ou d’un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles commis par une personne agissant dans l’exercice ou à l’occasion de son activité professionnelle (employeur d’une entreprise privée notamment), par une personne morale de droit public ou par un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public.

Objectifs

L’action de groupe est exercée afin d’obtenir :

  • soit la cessation d’un manquement ;
  • soit la réparation des préjudices, quelle qu’en soit la nature, subis du fait de ce manquement ;
  • soit la satisfaction de ces deux prétentions.

Champ d’application et acteurs 

Selon le Code du travail, l’action de groupe peut être exercée par les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise (article L. 2122-1), dans les branches (article L. 2122-5) ou au niveau national interprofessionnel (L. 2122-9) :

  1. en matière de lutte contre les discriminations ;
  2. en matière de protection des données personnelles ;
  3. pour faire cesser le manquement d’un employeur ou obtenir la réparation de dommages causés par ce manquement à plusieurs personnes placées sous l’autorité de cet employeur. Il peut s’agir de tout manquement de l’employeur (non paiement des heures supplémentaires, atteintes à la santé et à la sécurité, usage abusif des contrats précaires, etc.).

Procédure dans l’entreprise 

Avant l’engagement d’une action de groupe fondée sur un manquement au Code du travail, le demandeur (syndicat notamment) doit demander à l’employeur, par tout moyen conférant date certaine à cette démarche, de faire cesser le manquement allégué.

Dans un délai d’un mois à compter de la réception de cette demande, l’employeur en informe :

  • le comité social et économique (Cse), si l’entreprise en dispose, 
  • les organisations syndicales représentatives (Osr) dans l’entreprise. 

À la demande du Cse ou à la demande d’une Osr, l’employeur engage une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de manquement alléguée.

L’action de groupe, engagée pour la défense des intérêts de plusieurs salariés ou de plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une formation en entreprise, peut être introduite à l’expiration d’un délai de six mois à compter 

  • de la demande tendant à faire cesser le manquement ;
  • de la notification par l’employeur du rejet de la demande.

Procédure judiciaire

Juridictions. Des tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent des actions de groupe engagées en toutes matières sur le fondement de l’article 16 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025.

Pour la cessation d’un manquement. Lorsque l’action de groupe tend à la cessation d’un manquement, le demandeur (Osr notamment) n’est tenu d’établir ni un préjudice pour les membres du groupe, ni l’intention ou la négligence du défendeur.

Le juge, s’il constate l’existence du manquement, enjoint le défendeur (employeur) de cesser ou de faire cesser ledit manquement et de prendre, dans un délai qu’il fixe, toutes les mesures utiles à cette fin, au besoin avec l’aide d’un tiers qu’il désigne. Lorsque le juge prononce une astreinte, celle-ci est liquidée au profit d’un fonds consacré au financement des actions de groupe.

Le juge de la mise en état peut ordonner toutes les mesures provisoires utiles pour faire cesser le manquement allégué, dans un délai qu’il fixe, afin de prévenir un dommage imminent ou de faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le juge ordonne, à la charge du défendeur, les mesures de publicité adaptées pour informer de cette décision les personnes susceptibles d’être concernées par les manquements constatés.

Pour la réparation des préjudices. Lorsque l’action de groupe tend à la réparation des préjudices subis, le demandeur (Osr) présente des cas individuels au soutien de ses prétentions.

Le juge statue sur la responsabilité du défendeur (employeur).

Il définit le groupe de personnes à l’égard desquelles la responsabilité du défendeur est engagée, en fixant les critères de rattachement au groupe, et détermine les préjudices devant faire l’objet d’une réparation, pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini.

Lorsque les éléments produits et la nature des préjudices le permettent, le juge détermine, dans le même jugement, le montant ou tous les éléments permettant l’évaluation des préjudices susceptibles d’être réparés, pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini.

Le juge qui reconnaît la responsabilité du défendeur ordonne, à la charge de ce dernier, les mesures de publicité adaptées pour informer de cette décision les personnes susceptibles d’avoir subi un dommage causé par le fait générateur constaté.

Il fixe également le délai dans lequel les personnes répondant aux critères de rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement sur la responsabilité peuvent adhérer au groupe en vue d’obtenir la réparation de leur préjudice. Sauf dispositions contraires, ce délai ne peut être inférieur à deux mois ni supérieur à cinq ans à compter de l’achèvement des mesures de publicité ordonnées par le juge.

Le juge fixe le délai dont dispose le défendeur condamné pour procéder à l’indemnisation ainsi que le délai, ouvert à l’expiration de ce premier délai, pour le saisir des demandes d’indemnisation auxquelles le défendeur n’a pas fait droit.

Il prévoit les conditions et les limites dans lesquelles les personnes ayant adhéré au groupe peuvent saisir le juge aux fins d’obtenir une indemnisation individuelle.

Lorsqu’une réparation en nature du préjudice lui paraît plus adaptée, à l’exception des préjudices résultant de dommages corporels, le juge précise les conditions de sa mise en œuvre par le défendeur.

Lorsque le demandeur à l’action le demande et que les éléments produits ainsi que la nature des préjudices le permettent, le juge peut décider la mise en œuvre d’une procédure collective de liquidation des préjudices.

À cette fin, il habilite le demandeur à négocier avec le défendeur l’indemnisation des préjudices subis par chacune des personnes constituant le groupe. Il détermine, dans le même jugement, le montant de ces préjudices ou, à défaut, les éléments permettant leur évaluation, pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini. Il définit également les délais et les modalités selon lesquels cette négociation et cette évaluation doivent être effectuées, notamment le délai, qui ne peut être inférieur à six mois, à l’expiration duquel, en l’absence d’accord, il statue directement sur les préjudices susceptibles d’être réparés.

Dans les délais et les conditions fixés par le jugement sur la responsabilité, les personnes souhaitant adhérer au groupe adressent une demande de réparation soit à la personne déclarée responsable par ce jugement, soit au demandeur à l’action, qui reçoit ainsi mandat aux fins d’indemnisation.

Ce mandat ne vaut ni n’implique adhésion à l’association ou à l’organisation syndicale demanderesse. Il est donné aux fins de représentation pour l’exercice de l’action de groupe et, le cas échéant, pour faire procéder à l’exécution forcée du jugement prononcé à l’issue de la procédure.

La personne déclarée responsable par le jugement sur la responsabilité procède, dans le délai fixé par ce jugement, à l’indemnisation individuelle des préjudices résultant du fait générateur de responsabilité et subis par les personnes répondant aux critères de rattachement au groupe et ayant adhéré à celui-ci.

Les personnes dont la demande de réparation n’a pas été satisfaite peuvent saisir le juge ayant statué sur la responsabilité, dans les conditions et les limites fixées par le jugement sur la responsabilité, aux fins de réparation de leur préjudice individuel.

Action de groupe et actions individuelles. L’action de groupe, qu’elle tende à la cessation du manquement ou à la réparation des préjudices, suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés par le juge ou des faits retenus dans l’accord homologué.

Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle le jugement n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou à compter de la date de l’homologation de l’accord.

Le jugement sur la responsabilité et le jugement d’homologation de l’accord ont autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure.

L’adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d’agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices ne relevant pas du champ défini par le jugement sur la responsabilité qui n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou dans le champ d’un accord homologué.

Actions judiciaires en cours. Sur le fondement des anciennes dispositions, des actions de groupe ont été engagées.

Si les résultats des premières actions se sont avérés décevants (cour d’appel de Paris 14 mars 2024, Cgt c/ Safran), des actions en cours s’avèrent plus prometteuses (cour d’appel de Paris, 16 mai 2024, Crédit agricole ; tribunal judiciaire de Pau, ordonnance de mise en état, 7 novembre 2024 ; Cassation sociale 9 avril 2025, syndicat Cgt du personnel de la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France).

Pour connaître ce droit, le comprendre et le mobiliser : Michel Miné, Le Grand Livre du droit du travail, Eyrolles, 31e édition, 2021, 848 pages. 

Michel Chapuis

Pour aller plus loin :